8 %. Voilà la fraction, brute et sans fard, des moins de 30 ans qui, en entreprise, déclarent vouloir devenir managers en 2023. L’enquête BVA insiste : même les campagnes de recrutement les plus attractives, celles qui misaient tout sur les jeunes diplômés pour remplir les rangs de l’encadrement, n’attirent plus. Les directions voient les candidatures internes s’essouffler, parfois même reculer, dès qu’il s’agit de prendre en main une équipe.
Le management, un rêve qui s’effrite auprès de la génération Z
Les chiffres du cabinet Robert Walters font tomber le masque : la génération Z tourne le dos aux postes de management. Selon leur étude, les moins de 30 ans boudent de plus en plus les responsabilités d’encadrement. Ce qui passait autrefois pour une étape naturelle, prendre du galon, encadrer, se faire une place tout en haut de l’affiche, n’a plus la cote.
Les témoignages recueillis sont sans détour. Pour beaucoup, le modèle du manager façon ancienne école ne colle plus. La promotion interne, longtemps considérée comme un aboutissement, ne fait plus rêver. Les attentes changent, et c’est le conscious unbossing qui dicte la tendance : on cherche la coopération, la flexibilité, bien loin de la supervision stricte et du reporting à rallonge.
Si l’on observe de près les aspirations qui reviennent le plus souvent dans les entretiens avec les jeunes actifs, on retrouve trois lignes de force :
- La quête de sens occupe une place centrale et relègue la reconnaissance statutaire au second plan.
- L’équilibre entre vie professionnelle et aspirations personnelles devient un critère déterminant dans chaque décision.
- L’expertise technique séduit davantage que l’idée de gérer une équipe au quotidien.
Les secteurs autrefois réputés pour offrir des opportunités de management n’échappent pas à la règle : les postes proposés par le cabinet Robert Walters, même les plus stimulants sur le papier, peinent à convaincre les jeunes diplômés. Pour beaucoup, accepter un poste d’encadrement revient à signer pour moins de liberté. Le conscious unbossing incarne ce changement de cap : la hiérarchie traditionnelle vacille et les trajectoires de carrière se réinventent.
Qu’est-ce qui freine vraiment les jeunes talents à accepter ce rôle ?
Le middle management n’attire plus les nouveaux venus sur le marché du travail. L’appât du titre ne fonctionne plus. Lorsqu’on leur demande ce qui les retient, c’est le stress lié à la gestion d’équipe et la peur du burn-out qui arrivent en première ligne. Les contraintes associées à la fonction, issues d’un modèle hiérarchique rigide, semblent incompatibles avec le souhait de préserver une vie équilibrée, riche en dehors du bureau.
Lucy Bisset, directrice chez Robert Walters, l’observe au fil des entretiens : la génération Z met la barre haut sur la santé mentale. Un poste où riment tension, délais à rallonge et pression sur les résultats n’a plus d’attrait. Leur priorité est claire : la qualité de vie au travail, et une conscience aiguë des risques liés à la surcharge de responsabilités.
Plusieurs freins reviennent systématiquement dans les échanges avec les recruteurs :
- L’accumulation de tâches administratives finit par décourager les plus motivés.
- Le manque de reconnaissance ressenti, même après s’être investi dans un middle management role, alimente la méfiance.
- Le besoin de jongler entre ambitions et vie personnelle façonne désormais les parcours.
Les alertes récurrentes autour du burn-out chez les managers confortent ce choix. La génération Z fait entendre ses exigences en matière de bien-être. Le schéma classique, tout en verticalité, n’a plus la cote auprès de ces jeunes qui veulent travailler autrement.
Pression, quête de sens, équilibre : des attentes incompatibles avec le modèle actuel ?
Le modèle en vigueur est clairement remis en cause. Les jeunes diplômés, animés par la quête de sens et la volonté de préserver leur espace personnel, ne se reconnaissent plus dans la posture du manager traditionnel, constamment sous pression et focalisé sur la performance. Accepter des horaires à rallonge, sacrifier leur développement personnel pour des exigences sans fin : ce n’est plus négociable.
Ce refus s’exprime haut et fort. Sur les réseaux sociaux, de nouvelles pratiques s’installent : le conscious quitting, soit la décision assumée de quitter une entreprise qui ne répond plus à ses valeurs, ou le loud quitting, qui consiste à rendre public son désaccord avec des pratiques managériales jugées dépassées. L’entreprise, longtemps perçue comme un terrain de jeu pour progresser, doit désormais composer avec une génération qui place la cohérence et le sens avant la course au statut. Les offres d’emploi misant sur un simple intitulé de poste ne suscitent plus d’enthousiasme.
Chez les jeunes, la progression horizontale séduit davantage que la fameuse ascension dans la hiérarchie. Ce qui compte, c’est l’utilité de la mission, un environnement de travail sain, et la possibilité de garder sa vie privée à l’abri des exigences du bureau. Face à un tel changement d’état d’esprit, les entreprises sont confrontées à un défi : repenser le rôle de manager pour éviter de creuser le fossé entre les besoins des nouvelles générations et la réalité du terrain.
Vers de nouveaux modèles de leadership plus en phase avec les aspirations de la génération Z
Le conscious unbossing s’invite de plus en plus dans les échanges autour du futur du management. Ce mouvement de déhiérarchisation consciente vise à réduire la verticalité, encourager l’autonomie et responsabiliser les équipes. D’après le cabinet de recrutement Robert Walters, près d’un jeune sur deux préfère explorer une voie d’expertise ou miser sur la mobilité interne plutôt que briguer un poste de manager au sens classique.
Face à ce constat, les entreprises testent de nouveaux modes d’organisation. On voit se développer la gestion de projet en mode collaboratif, l’attribution de responsabilités ponctuelles plutôt qu’un poste de middle management figé, ou encore des parcours professionnels moins linéaires, qui multiplient les possibilités. Le conscious unbossing questionne la figure du chef, et met l’accent sur la contribution individuelle.
Parmi les réponses concrètes qui émergent sur le terrain, on peut citer :
- Mobilité interne : offrir aux salariés la possibilité de changer de poste, d’enrichir leur expérience sans devoir passer par la case management.
- Voie d’expertise : valoriser la progression par la compétence, sans imposer de responsabilités d’encadrement.
- Accompagnement ciblé : proposer un suivi personnalisé, adapté aux besoins de chacun, sans exercer une pression hiérarchique constante.
Les spécialistes du recrutement, comme Robert Walters, encouragent les entreprises à expérimenter ces nouveaux modèles pour répondre aux attentes d’une génération Z en quête de sens et d’équilibre. Le leadership se réinvente, et avec lui, la promesse d’un management capable de conjuguer ambitions individuelles et réussite collective. La prochaine vague de managers dessinera un autre visage du pouvoir en entreprise, et le mouvement est déjà en marche.

